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Julien Taillandier, Manager chez Sia Partners

Pionnier du Consulting 4.0, Sia Partners réinvente le métier du conseil et apporte un regard innovant et des résultats concrets à ses clients. Avec une présence globale et une expertise dans plus de 30 secteurs et services, Sia Partners accompagne ses clients dans le monde entier.


Sia Partners a publié un livre blanc dédié au Buy Now Pay Later (ou BNPL), en partenariat avec la fintech française Algoan dont la spécialité est le credit decisioning. La réglementation européenne évolue pour mieux encadrer ces nouvelles facilités de paiement et renforcer le scoring. Dans l’Hexagone, les discussions avaient d’ailleurs d’ores et déjà débuté l’an dernier. Remis en octobre 2021, le rapport Chassaing sur le surendettement réclame un meilleur encadrement du micro-crédit et du paiement fractionné, le BNPL n’entrant pas dans la réglementation de la loi Lagarde de 2010. D’autant plus que des évolutions sont imminentes telles que le Request To Pay (RTP) ou l’Instant Payment, et vont, elles aussi, chambouler le monde des paiements pour proposer toujours plus d’instantanéité.


Julien Taillandier, Manager chez Sia Partners a répondu à nos questions. Interview.

Julien Taillandier, Manager chez Sia Partners

PRESSIN'TECH : À l'heure actuelle, comment sont encadrés ces nouveaux modes de paiement ?

Julien Taillandier : La loi Lagarde sur le crédit à la consommation s’applique aux crédits de plus 3 mois, compris entre 200 et 75 000 euros. En pratique, les offres de BNPL réglementées sont ainsi les paiements en plus de 4 fois, ou en 4 fois lorsque la première échéance n’intervient pas au moment de l’achat.

La loi Lagarde vise à assurer la bonne information et la protection des emprunteurs. Elle oblige par exemple les organismes de crédit :

  • À afficher des informations claires par écrit lors de l’offre de prêt (durée, taux, coût total…) ;

  • À vérifier la solvabilité du demandeur via le FICP (fichier national des incidents de remboursement des crédits tenu par la Banque de France) ;

  • À demander différents justificatifs au-delà de 3 000 euros (identité, domicile, revenus, ainsi qu’une « fiche de dialogue » complétée par le prêteur et l’emprunteur visant à vérifier la faisabilité du projet).


PRESSIN'TECH : Que révèlent les données collectées par la Banque de France dans le dernier baromètre de l'inclusion financière ? Peut-on en déduire que ce nouveau mode de consommation accroit le risque de surendettement ? Et est-ce qu'une réforme du paiement fractionné en France est nécessaire ?


Julien Taillandier : Le nombre de dossiers de surendettement déposés à la Banque de France a chuté de 15% entre 2019 et 2021, poursuivant une baisse amorcée depuis le milieu des années 2010. Aucun rapport n’a pour l’instant mis en évidence d’incidence du BNPL sur le niveau de surendettement des ménages.

Toutefois, les risques de surendettement associés au BNPL sont théoriquement nombreux : souscription du crédit quasiment transparente pour les clients, méthodes de scoring minimalistes, absence de centralisation des incidents de remboursement… Et les pénalités de retard peuvent également être importantes (de l’ordre de 25% du montant de l’échéance). Le rapport parlementaire Chassaing, publié en octobre 2021, préconise ainsi de définir « un corpus de règles proportionné » dans un contexte de forte augmentation de ces crédits.

À mon sens, mieux vaut prévenir que guérir, et la mise en place d’une réglementation spécifique est donc une bonne chose. Il faut toutefois trouver un juste équilibre pour ne pas tuer le marché, et laisser aux acteurs une certaine liberté dans les méthodes de réduction des risques. Le point principal est de ne pas trop impacter la fluidité des parcours clients, qui est le principal atout de ces acteurs par rapport aux offres classiques (acceptation en quelques clics, sans délai d’acceptation). On pourrait par exemple :

  • Demander un reporting régulier aux acteurs du BNPL afin de surveiller le taux de défaut de leur portefeuille, et appliquer des exigences supplémentaires en termes de vérification de solvabilité uniquement en cas de dépassement d’un certain taux de référence ;

  • De manière relativement indolore en termes d’expérience client, il pourrait aussi être demandé de renforcer l’information du consommateur pour toutes les offres de BNPL, d’encadrer les taux d’intérêts et les frais de retard pour éviter les abus, de rendre obligatoire la consultation du fichier des incidents de paiement de la Banque de France.


PRESSIN'TECH : Que dit la directive européenne sur le crédit à la consommation ? Pensez-vous qu'une révision de cette directive puisse être adoptée sous la présidence française de l'Union européenne comme l'avait annoncé Bruno Le Maire, Ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance ?

Julien Taillandier : La directive européenne sur le crédit à la consommation a été transposée dans le droit français à travers la Loi Lagarde. Je n’ai pas d’information particulière quant à l’avancement du sujet au sein des instances européennes. Mais nul doute qu’une période de consultation est nécessaire compte-tenu des disparités entre pays et des intérêts des différents acteurs du marché qui ne sont pas forcément alignés (pour caricaturer : les fintechs ou acteurs de type Oney Bank et FLOA qui ont bénéficié de l’absence de réglementation pour se développer VS les acteurs historiques qui ont pris du retard sur ce marché).


PRESSIN'TECH : Quel serait l'impact d'une réglementation plus stricte sur ce marché en plein essor, pour les consommateurs et les commerçants, mais aussi pour les établissements de paiement et les sociétés de financement ?


Julien Taillandier : Comme évoqué plus haut, un renforcement de la réglementation, notamment en termes de vérification de solvabilité, pourrait avoir un impact très important sur l’attractivité des offres de BNPL. En cas de durcissement de la réglementation, les acteurs du marché pourraient toutefois :

  • Recourir à des solutions de type « Open Banking » : ces solutions, déjà utilisées par certains acteurs pour les paiements fractionnés de plus de 90 jours, permettent d’analyser automatiquement les comptes bancaires des clients pour évaluer leur solvabilité (après collecte de leur consentement) ;

  • Développer des offres en BtoC : dans ce schéma, le client s’enrôle préalablement auprès de l’organisme prêteur, puis décide après chaque achat en physique ou en ligne d’activer ou non le fractionnement de son paiement via son Espace Client Web ou son application mobile. L’inconvénient pour le client est de se voir facturer des intérêts, ce qui rend forcément l’offre moins attractive. Dans un schéma B2B2C les frais sont généralement supportés par les marchands, en contrepartie d’une augmentation de leurs ventes.


PRESSIN'TECH : L’usage se répand également dans le domaine du BtoB. Est-ce qu’une réglementation plus spécifique s’impose dans ce cas-là ?

Julien Taillandier : Les offres de BNPL BtoB sont réglementées par le Code de la consommation et le Code Monétaire et Financier en tant qu’offres crédits à des entreprises. Ces textes définissent des exigences en termes d’information aux bénéficiaires, et encadrent les taux d’intérêts et demandes de cautionnement. Il n’existe pas de réglementation spécifique.

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