En France, plus de 260 entreprises sont affiliées à la Fédération Française de l’Assurance (FFA) représentant ainsi plus de 99% du marché. Le Rapport de l'Observatoire sur les Métiers et les formations de l'Assurance (ROMA) consolide les données socioprofessionnelles de l'ensemble des adhérents de la FFA. Ainsi, selon les premières estimations de l’évolution des effectifs de l’assurance, la branche compte 147600 salariés au 31 décembre 2019, soit une hausse de 200 salariés par rapport à 2018. Le rapport indique également que 15500 salariés ont été recrutés en 2019.
Une note de conjoncture qui présente les analyses des spécialistes de Gras Savoye Willis Towers Watson indique qu’en 2018, le marché mondial de l’assurance maintient une dynamique de croissance avec une hausse de 2,9% des primes encaissées. La note souligne également que le marché français s’inscrit dans cette dynamique avec un chiffre d’affaires de 220 milliards d’euros, soit une progression de 4% des primes. Des résultats exceptionnels, attribués principalement aux bancassureurs, qui font de la France le leader européen de l’assurance, devant le Royaume-Uni et l’Allemagne.
L'Observatoire de l'Évolution des Métiers de l'Assurance a publié en juin, dans son baromètre prospectif, une analyse sur les implications de la crise sanitaire. Nous retenons essentiellement l’aptitude des entreprises à s’adapter et mettre en place un environnement propice au télétravail de sorte que l’activité puisse se poursuivre, et cela grâce, notamment, à la transformation digitale qui s’opère dans ce secteur.
La révolution digitale du secteur de l’assurance
Bien que la digitalisation du secteur présente de nombreux avantages pour les grands acteurs comme l’amélioration de l’expérience client et la réduction des couts par exemple, elle permet surtout de rester compétitive face aux assurtechs, ces start-ups qui bousculent les tendances.
AVIS D'EXPERT
La digitalisation des services pour améliorer le parcours et l’expérience du client
Selon une étude (1) menée par l’Assurance en mouvement et ITESOFT en 2019, 7 assureurs sur 10 estiment que le contexte réglementaire, client et marché impose une réduction des coûts et des délais de traitement. Et ce, en dépit des 63 milliards d'euros (2) d’investissements en technologies de l’information que les assureurs ont engagés en 2018 en Europe. Des efforts clairement insuffisants !
Pour conquérir de nouveaux clients, fidéliser leur clientèle et répondre aux nouveaux besoins et comportements, tout en optimisant leur productivité et en prenant en compte les évolutions réglementaires, les assureurs n’ont pas d’autre choix que d’accélérer leur transformation digitale. L’objectif ? Optimiser leurs processus et, in fine, améliorer l’expérience client et l’excellence opérationnelle. Et cela est d’autant plus nécessaire pour assurer leur résilience lors de crises comme celle que nous vivons actuellement.
Les processus opérationnels, parents pauvres de la digitalisation
Si tout le monde s’accorde à dire que l’automatisation est l’un des principaux leviers pour optimiser ses processus opérationnels, la réalité est toute autre…
En effet, on constate que si front-office et back-office sont largement digitalisés dans l’assurance, entre ces deux domaines seule une partie des processus opérationnels l’a été. Or c’est là que réside le service délivré au client (souscription à un produit, gestion d’un sinistre, traitement d’une réclamation…) et que tout se joue pour lui et l’assureur.
De plus, dans les faits, près de 3 assureurs sur 4 n’ont en fait automatisé que des tâches - et non des processus complets - avec pour conséquence des goulets d’étranglement, des risques d’erreurs et des coûts qui nuisent à l’expérience client, à l’efficacité opérationnelle et au respect réglementaire.
Le digital désormais vital
Pendant le confinement, le recours au numérique a explosé. Pour souscrire une assurance, déclarer un sinistre ou suivre une réclamation, les Français n’ont pas eu d’autre choix que de se tourner vers les canaux d’interaction à distance (téléphone, quand les centres de relation clients fonctionnaient, et digital).
Force est de constater que les acteurs qui avaient déjà automatisé tout ou partie de leurs processus (avec le traitement automatisé des documents, la souscription en ligne avec signature électronique, la gestion automatisée des sinistres…) ont pu assurer, mieux que leurs concurrents, une continuité d’activité et de service. Dans une industrie ultra compétitive, ils ont su tirer leur épingle du jeu !
Afin de gagner en agilité, d’être capables de délivrer plus rapidement de nouveaux produits et services, de rester conformes aux évolutions réglementaires et de limiter les risques (notamment la fraude), les assureurs se doivent désormais d’automatiser leurs processus de bout en bout. Des enjeux plus que jamais renforcés par la crise sanitaire et une exigence supplémentaire : la résilience. Pour tout cela, l’implémentation d’une plateforme unique combinant la capture et l’extraction d’information, l’automatisation des processus dans leur entièreté et la détection des risques est cruciale.
(1) Enquête réalisée en ligne par l'assurance en mouvement pour ITESOFT du 14 au 17 octobre 2019 auprès de 176 professionnels de l’assurance (profils : sociétés d’assurance, mutuelles, institutions de prévoyance, courtiers grossistes)
(2) Statista, 2020
AVIS D'EXPERT
Assureurs : Quand l’éthique se mêle du Big Data
Dimitri Duval, Data Strategy Principal, Saagie
Depuis la révolution numérique, l’utilisation des données à des fins commerciales ou d’optimisation est une réalité. Toutefois, la grande question reste à savoir comment exploiter au mieux ces données tout en garantissant un respect des réglementations parfois trop poreuses.
L’approche historique des compagnies d’assurance est une approche actuarielle du risque. L’évolution du secteur des assurances remplace progressivement cette approche du risque par une approche plus orientée Big Data, voire Machine Learning. Nous vivons ainsi une révolution notable du secteur de l’assurance à travers le développement d’applications analytiques ou algorithmiques visant à dresser un profil plus précis des utilisateurs et ainsi améliorer les offres qui leur sont destinées.
En effet, les technologies disponibles sur le marché permettent désormais le traitement de cas d’usage tels que l’analyse d’attrition sur les contrats de santé, aux scores de suspicion de fraude, aux scores d’appétence, ou bien à l’identification de zones sinistrables…
Mais aujourd’hui, l’enjeu majeur du secteur des services financiers (banques et assurances) est de mieux connaître le « customer journey » de ses clients. Le graal étant d’être en mesure d’identifier « les grands moments de vie » de ce dernier (mariage, décès, naissance, achat immobilier…). Il va donc de soi de se tourner vers la collecte de données publiques afin d’alimenter les algorithmes qui vont permettre d’identifier ces moments clé dans la vie des assurés. L’une des principales sources de collecte provient des réseaux sociaux. La problématique soulevée dans ce contexte, est d’être en mesure d'identifier les limites de la légalité dans ce domaine.
Une autre source non négligeable de données nous vient des objets connectés. La question centrale que nous pouvons nous poser ici repose sur le consentement. À quoi consent un utilisateur lorsqu’il souscrit à un service connecté ? Nous avons été témoins des dérives liées à l’utilisation des données dans le monde de l’assurance, lorsqu’il a été rendu public que l’utilisation des données issues des boîtiers dans les véhicules servaient également à diminuer les primes d’assurances automobiles. D’où la nécessité de légiférer la collecte de ces données dites « personnelles ».
L’usage de l’intelligence artificielle est de plus en plus fréquent pour traiter massivement les données reçues dans le but d’améliorer la connaissance des assureurs des risques et des besoins clients. La partie actuarielle sera toujours importante dans les domaines purement financiers, comme le calcul des provisions mathématiques. Par contre, le consommateur gagnera beaucoup avec une approche Big Data, car les contrats s’en trouveront « optimisés », avec une tendance pour la prochaine décennie vers du quasi sur-mesure. Toutefois, cette démarche peut soulever la question du principe de mutualisation des risques et de solidarité, tout particulièrement dans le secteur de la santé. En effet, la quantité de données collectées est telle que nous sommes désormais en capacité d’exclure certains profils dits « à risque » et ainsi de leur interdire l’accès à une couverture nécessaire à leur survie. Il y a un réel enjeu d’éthique lié au traitement massif des données aussi sensibles que les données de santé.
Selon l’un de nos clients du secteur assurantiel, Matmut, « ces dernières années, les travaux sur nos données à travers de nouveaux outils et avec de nouvelles pratiques ont concrètement accéléré la prise de conscience tant des usages métiers à venir que des sous-jacents IT restant à industrialiser. C’est bien ce qu’il reste à faire et c’est un point d’attention clairement identifié pour une structure comme Matmut, manipulant des volumes conséquents de données. Assez logiquement, la protection de ces données était déjà une réalité dans le Groupe et ces nouvelles pratiques ne devront pas remettre en cause les avancées accomplies sur cet axe ».
La polémique autour du Health Data Hub, méga fichier contenant les données de santé des citoyens français lancé en décembre 2019 et hébergé chez l’américain Microsoft Azure, parue courant septembre, a mis en exergue la nécessité d’encadrer le transfert de données personnelles et d’avoir recours aux acteurs européens pour l’élaboration d’une législation en matière de stockage et d’exploitation. L’Europe regorge d’acteurs tout à fait en mesure de répondre à ces défis.
La coopétition entre les assureurs et les assurtechs
La transformation digitale des grandes entreprises est toujours complexe. Cependant, dans le secteur de l’assurance, cette transition a bien été amorcée. Bien que les grands groupes n’aient pas à craindre l’émergence des assurtechs, étant donné leur poids sur le marché de l’assurance, ces nouveaux entrants bousculent néanmoins les vieilles habitudes de la branche et favorisent la transformation numérique des entreprises. Une expérience digitale intuitive, des services extrêmement ciblés et parfaitement en phase avec les besoins du client, les assureurs ont parfois du retard sur leurs nouveaux challengers.
Avec 338 millions d’euros investis, l’assurtech est le troisième pôle d’attractivité de la fintech, derrière le paiement et le financement. L’assurtech poursuit sa progression et a déjà levé 61 millions d’euros au cours du premier semestre 2020, dont 50 millions sont attribués à Alan, la première complémentaire santé dématérialisée et indépendante en France.
La disruption du marché est tangible tant au niveau de l’expérience digitale qu’au niveau de la diversité des offres et des services proposés par les assurtechs, comme par exemple :
Les technologies intelligentes de protection proposées par Luko (Luko Door, Luko Bridge, Luko Elec, Luko Water), ou encore son mécanisme du « Giveback » qui consiste à verser l’intégralité de la cagnotte restante à l’association de son choix ;
La gamme de produits proposée par Seyna qui s’enrichit au gré des nouveaux usages des consommateurs ;
Coverd et son programme, accessible à tous les téléphones, qu'ils soient neufs, reconditionnés, d'occasion, en location et même cassés. Le petit plus, ce sont les accessoires qui sont envoyés toute l'année (compris dans l'abonnement), dont un kit de survie qui est envoyé à la souscription avec quelques accessoires de protection…
D’autres assurtechs ont fait le choix de mettre leur savoir-faire au service des grands assureurs, comme par exemple Shift Technology qui proposent des solutions SaaS fondées sur l’IA pour lutter contre la fraude et automatiser les déclarations.
Toutes les expertises s’accordent à dire que les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) finiront, eux aussi, par investir ce nouveau secteur compte tenu des données ciblées dont ils disposent sur leurs utilisateurs. Aux États-Unis, les récentes actualités le confirment : Google se positionne sur le marché de l’assurance à travers Verily, une division de la maison-mère (Alphabet) spécialisée dans la santé. Cette nouvelle filiale, baptisée Coefficient Insurance Company, sera soutenue par le spécialiste des assurances pour les entreprises : Swiss Re Corporate Solutions.
Zoom sur ces initiatives de l’assurtech française
Akur8
Akur8 est une assurtech française qui capitalise sur l’IA transparente pour transformer la tarification en assurance. Akur8 propose aux assureurs une solution SaaS qui utilise des algorithmes propriétaires pour automatiser la modélisation du risque, tout en gardant une transparence et un contrôle complets sur les modèles créés. Akur8 permet aux équipes de tarification de construire des modèles 10 fois plus rapidement qu’avec les solutions historiques du marché, tout en augmentant la performance prédictive des modèles et en exploitant des volumes de donnés illimités. Akur8 compte une dizaine de clients internationaux, parmi lesquels les principaux assureurs européens. Akur8 a finalisé sa série A en février 2020 pour un montant de 8M€ auprès des VCs internationaux BlackFin Capital Partners et MTech Capital.
La perspective d’Akur8 sur la transformation digitale du secteur de l’assurance en France, en particulier sur le pricing : « Les assureurs subissent une pression concurrentielle forte, alimentée par les acteurs directs et les comparateurs de prix, et intensifiée par la crise du Covid-19. Si le processus de tarification, historiquement lent et manuel, a été jusqu’ici épargné par la vague digitale, la sophistication des compétences de tarification devient incontournable. L’IA « traditionnelle », « boîte noire », est exclue en assurance, du fait des risques réglementaires et d’anti-sélection élevés. Seule une IA « transparente », qui garantit le contrôle des modèles de risque, offre un potentiel de différenciation et de création de valeur important ».
Coverd
Coverd est la start-up spécialiste de l'assurance pour les téléphones. Créée par 5 co-fondateurs dont le CEO Hugo Saias (ex-CMO Save), Coverd a pris le pari de faire bouger les lignes dans l'assurance téléphone en apportant plus de transparence, plus de simplicité et un meilleur service pour le client. La start-up se développe en direct auprès des particuliers, 100% en ligne. Lancée en 2019, Coverd a déjà réalisée une levée de fonds de 1,2 millions d'euros.
La perspective de Coverd sur la transformation digitale du secteur de l’assurance en France : « Pour convaincre les clients de souscrire à une assurance, les assureurs doivent s'adapter aux nouveaux usages. Ce n'est plus au client de s'adapter à l'assureur mais à l'assureur de s'adapter au client. Le digital faisant partie intégrante de nos vies, et encore plus avec l'essor du télétravail, les assurances doivent créer des parcours 100% digitaux de la souscription à la résiliation et passant par la communication client. Aussi le digital permet de mieux détecter les fraudes et offrir la meilleure expérience de prise en charge au client une fois les fraudeurs écartés rapidement ».
Hoggo
Hoggo optimise l'assurance santé des entreprises et simplifie la gestion de leurs contrats quel que soit l'assureur.
Optimisation : Permettre à toutes les entreprises de trouver le meilleur prix et les meilleures garanties pour leurs contrats de mutuelle santé.
Simplicité : Offrir une plateforme unique et intégrée pour simplifier toutes les démarches administratives liées à l’onboarding, l'affiliation, et la sortie des salariés.
Indépendance : Rendre facile et immédiat le changement de complémentaire santé pour bénéficier en permanence de l'offre la mieux adaptée.
La perspective de Hoggo sur la transformation digitale du secteur de l’assurance en France : « D’un côté, on constate l’apparition de distributeurs et de comparateurs digitaux (les assurtechs qui bouleversent le paysage traditionnel) qui apportent une meilleure transparence sur les prix et une expérience client modernisée. De l’autre, des assureurs qui se recentrent sur leur cœur de métier : la création de produits d’assurance et la gestion du risque. Ainsi dans ce contexte on peut trouver deux stratégies différentes pour les nouveaux acteurs : soit une compétition frontale avec les assureurs traditionnels (Alan), soit une logique de partenariat (Hoggo) ».
Unkle
Unkle est une insurtech qui facilite la location et qui protège vos loyers. Tout locataire devrait pouvoir louer le logement qu’il souhaite, peu importe son statut sans faire prendre de risques supplémentaires au propriétaire. Tout locataire peut donc faire appel à Unkle qui devient son garant à partir de 9,99€ par mois et remboursera le propriétaire gratuitement en cas d’impayés. Le propriétaire du logement a donc un dossier vérifié, un profil certifié et l’assurance de recevoir ses loyers chaque mois. Il a aussi la possibilité de prendre la protection à sa charge (assurance loyers impayés à partir de 9,99€ par mois).
La perspective d’Unkle sur la transformation digitale du secteur de l’assurance en France : « La digitalisation du secteur de l’assurance est nécessaire : elle va permettre d’accélérer le délai de traitement des dossiers, d’apporter le meilleur service client et surtout d’utiliser en temps réel la data collectée pour proposer le meilleur pricing, les couvertures et offrir des réponses mieux adaptées aux clients. Unkle a choisi de digitaliser l’ensemble de sa chaîne de valeur pour cela : apporter de la transparence, de l’efficacité et de la rapidité aux clients. Le rôle de l’opérateur humain reste selon nous essentiel. La technologie va simplement lui permettre de disposer d’outils d’aide à la prise de décision et diminuer la friction des assurés. Le rôle de l’opérateur va pouvoir se recentrer autour de sa vraie valeur ajoutée : l’accompagnement du client et le conseil personnalisé ».
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